Libéralie de Voyage

Par , Le 17 septembre 2024 (Temps de lecture estimé : 5 min)

Un voyage vers la liberté absolue. Lassés des réglementations et contraintes étatiques terrestres, des aventuriers embarquent pour Ultima. À bord, chaque quartier négocie ses propres règles, préparant une « Libéralie de voyage » où la souveraineté individuelle sera enfin reine.

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Dans un article précédent, j’évoquais la nouvelle de Robert Heinlein, « Les Orphelins du Ciel », pour illustrer mon propos sur la sécession. Le Navire, ce vaisseau spatial pointé vers Ultima du Centaure, y sert de cadre à cette aventure de l’humanité. Mais la nouvelle ne décrit pas vraiment comment le Navire, son équipage et ses passagers avaient prévu, dès le départ, de s’organiser pour ce voyage et surtout pour la sécession, à la fois à bord du vaisseau et sur un monde – ou des mondes – nouveaux…

Un voyage spatial au très long cours se prépare. Le Navire va bientôt partir pour un autre Soleil, où ses voyageurs font le vœu d’installer une branche de l’Humanité qui soit enfin libre. Parce que c’est le but de tous à bord, parce que le voyage sera très long, et parce qu’il a bien fallu le financer, tous sont déjà des actionnaires de l’entreprise dont ils sont aussi les clients, celle qui a fait construire le Navire et qui les mènera à bon port. Certains mécènes généreux complétèrent les apports en capital.

Les candidats au grand voyage, nombreux dans un monde terrestre où la dernière Liberté était de partir, furent sélectionnés par l’équipe de l’entreprise selon divers critères. Sur Ultima, mais bien avant à bord du Navire même, il faudra assez de capacités et de compétences pour que la colonie puisse fonctionner en autarcie, à bord puis dans un monde peut-être moins accueillant. Certains étaient assez riches pour financer leur voyage sans devoir travailler. La plupart furent embauchés, et beaucoup durent apprendre un nouveau métier. Personne ne savait quels métiers seraient requis une fois sur Ultima, ce qui importait, c’était de prendre place dans la micro-société au sein du Navire.

L’embauche et le poste n’était qu’une étape préliminaire. Ils allaient s’enfermer durant des années, peut-être des générations, pour vivre ensemble, en vase clos. Demain, sur Ultima, ils seraient libres, mais pourquoi ne pas faire en sorte de vivre ensemble libres dès que franchie la porte du vaisseau ? Il leur fallait donc s’organiser tout de suite, avant même d’embarquer. Il leur fallait mettre en place une Libéralie de voyage, une Libéralie qui lancée dans l’espace, prépare la naissance de Ultima Libre.

Pour ce faire, avec leur embauche, tous signèrent un contrat d’hébergement au sein du Navire. Des siècles de navigation sur Terre avaient montré les pièges à éviter. Un Capitaine, seul maître à bord, avait l’avantage de simplifier la prise de décision. Cela convenait à des voyages courts sur Terre, mais prolongé sur des décennies, il n’y avait là aucune différence avec une dictature. L’équipage fut donc aux ordres d’une Assemblée des Quartiers, plutôt que d’un Capitaine omnipotent. Les Quartiers du Navire étaient des territoires au sein du vaisseau, chacun occupé, opéré et entretenu par un groupe de voyageurs s’étant approprié ce Quartier, après négociations avec les gens des autres Quartiers.

Chaque Quartier avait convenu d’un contrat de service avec l’Assemblée des Quartiers. Ce contrat spécifiait les droits et devoirs de chaque Quartier vis-à-vis de tous, afin d’assurer que le Navire soit à tout moment opéré et entretenu comme il serait nécessaire durant tout le voyage. Le Quartier des Machines, par exemple, rendait compte chaque semaine du bon état de fonctionnement, et même des améliorations apportées aux réacteurs nucléaires alimentant en énergie l’ensemble du vaisseau.

Ce Quartier, comme tous les autres, s’était organisé comme une communauté autonome dont les entreprises internes s’entrelaçaient, en fonction des compétences et des initiatives des résidents, pour fournir les services et tenir les engagements du Quartier envers l’Assemblée. L’Assemblée ne mettait jamais son nez dans l’organisation interne des Quartiers. Seuls comptaient le respect des engagements mutuels, qui permettaient au Navire de survivre, de progresser, libre et en sécurité.

Souvent, un Quartier pouvait s’être organisé en Arrondissements, en Coursives ou en Ponts. Ces subdivisions permettaient aux voyageurs de mieux se regrouper, par affinités ou compétences, et de mieux organiser leurs propres relations contractuelles leur permettant de contribuer à la mission confiée au Quartier. La Coursive Médicale, par exemple, concentrait tout le microcosme hospitalier.

Pendant le voyage, bien sûr, l’expérience de la navigation spatiale et les aspirations de chacun firent évoluer en continu cette organisation pensée avant le Grand Départ. La concurrence fit son œuvre, même entre les Quartiers. Ainsi, le Quartier des Piscines, qui sut développer un savoir-faire thermal, racheta peu à peu l’activité de plusieurs des Coursives Médicales d’autres Quartiers, baissant les prix.

Quand Ultima fut enfin en vue, les colons, presque tous désormais nés dans le Navire, savaient déjà vivre ensemble : ils commencèrent à envisager leur organisation sur cette nouvelle Terre, avant d’y atterrir. Au départ, d’après les observations de la planète visée, les négociations la découpèrent pour que chaque Quartier y prenne pied et prenne possession d’un territoire. Surtout, l’Assemblée des Quartiers n’aurait plus de raison d’exister comme telle : plus de Navire à diriger, chaque Quartier pourrait enfin devenir une Libéralie en propre, par simple adaptation de la longue vie à bord…

 

Stéphane Geyres

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Stéphane GEYRES

Stéphane Geyres est autodidacte de la Liberté. Sur son chemin, il a écrit ou édité 5 livres - dont Liberté Manifeste - co-fondé le site Libéralie, les Editions John Galt et l'Institut Mises France.