Droit Naturel : Clés d’une Société Libre

Par , Le 1 décembre 2024 (Temps de lecture estimé : 8 min)

Certaines personnes ont du mal à se figurer ce qu’est grosso modo la théorie du droit naturel et comment elle fonctionnerait dans le cadre d’un monde libre. Dans le présent article, je vais essayer d’éclairer votre lanterne du mieux que je peux. Je pense qu’il faut distinguer quatre strates distinctes : le droit naturel, le droit positif contractuel, la morale subjective et le mécanisme de réputation/d’ostracisation. 

droit nat

Le droit naturel est un système de droit objectif et universel qui s’applique à tous les êtres qui sont capables d’utiliser l’argumentation pour régler leur conflit avec autrui plutôt que l’agression physique. Les libertariens ne disent pas que l’homme va toujours choisir l’argumentation par rapport à l’agression. Ils disent simplement que les deux types d’actions sont des potentialités, mais qu’une seule peut être justifiée sur le plan logique et éthique (l’argumentation). Ce droit naturel repose sur un axiome de départ irréfutable, l’axiome d’argumentation, et de cet axiome découle logiquement tout un tas de théorème/principes: propriété privée, propriété de soi, primo-appropriation, consentement, principe de non-agression, légitime défense, justice réparatrice, liberté etc. Le principe central du libertarianisme reste le principe de non-agression (NAP en anglais). Ce principe stipule que l’agression est injustifiable, l’agression étant ici définie comme l’initiation de la force physique sur la propriété d’autrui (notre première propriété étant notre corps) en dépit de son consentement. Vous remarquerez que le libertarianisme ne condamne pas la force en soi, simplement son initiation contre la volonté d’autrui, d’où la légitimité de l’usage de la force physique dans le cas de la défense.

Une fois que les principes objectifs du droit naturel sont posés, cela ne suffit pas. En effet, dans un monde libre, ce qui régente la vie des individus ce sont les contrats qu’ils signent les uns avec les autres. Cela comprend votre contrat de travail avec votre employeur, votre abonnement à Netflix, votre participation dans une association, le contrat de syndic de votre immeuble. A noter que dans un monde libre, TOUS les espaces sont privatisés, il serait alors probable que les habitants d’un quartier aient aussi des contrats de syndic pour la gestion des rues qu’ils partagent mais c’est un modèle possible d’organisation parmi plein d’autres. Lorsque vous signez un contrat, vous vous engagez auprès d’autrui. Ne pas respecter ses engagements constitue une agression (vous avez fait perdre du temps et de l’énergie à quelqu’un de façon injuste) et cela nécessite une réparation, réparation dont le prix est stipulée à l’avance dans le contrat. De plus, pour qu’un contrat soit valide il faut qu’il présente une clause de sortie, sinon cela viole le droit fondamental qu’ont les gens à pouvoir être souverain sur leur propre corps. L’ensemble des contrats qui relient les individus d’un ou plusieurs territoires forme le tissu social dynamique du monde libre. C’est cela qu’on appelle le droit positif contractuel (positif parce qu’il définit de façon positive/affirmative des engagements, alors que le NAP se définit plutôt de façon négative comme étant le droit de ne pas se faire agresser). Ce droit positif contractuel ne doit pas être confondu avec le droit positif étatique qui émane de l’arbitraire des agents de l’état et qui par essence viole le NAP (puisque l’état impose par l’agression son monopole sur la population).

Vient ensuite la question de la morale. Si le droit naturel est objectif, la morale est elle subjective. Lorsque les individus se sont mis d’accord sur la délimitation de leur propriété privée respective, ils sont libres de décider quoi en faire, de comment mettre en valeur leurs ressources. En effet, dans le libertarianisme la liberté se définit comme le droit absolu de faire ce que l’on veut de sa propriété (et ce droit se négocie entre les hommes). Si je suis propriétaire d’une maison, qui à part moi est légitime pour savoir quoi en faire ? Dois-je la peindre en blanc ou en rose ? Dois-je faire pousser des légumes dans mon jardin ou dois-je construire une piscine ? Les mêmes questions se posent quant au corps, que ce soit sur le plan de la nourriture, des drogues, de la sexualité, du sport, des tatouages, des vêtements, etc. Chacun fera ses choix subjectifs en fonction de son histoire de vie personnelle, de son expérience, de ses croyances religieuses, de ses raisonnements. A la fin, le seul juge c’est le temps : en laissant les individus libres de faire ce qu’ils veulent de leurs propriétés respectives, ils s’associeront (et se dissocieront) en fonction de leurs affinités communes. En outre, les pratiques culturelles subiront une sorte de “sélection naturelle” : les pratiques qui engendrent le plus de prospérité et de paix sociale seront conservées et deviendront des traditions, a contrario les pratiques barbares engendrant du bordel et de la misère seront progressivement évacuées. Comme le dit le dicton “on juge un arbre à ses fruits”. Si le droit délimite ce qui est de l’ordre de l’action légitime ou illégitime (critère objectif) la morale délimite ce qui est de l’ordre de l’action bonne ou mauvaise (critère subjectif).

Cela m’amène au quatrième point. Comment ce tri entre bonnes et mauvaises pratiques peut se produire dans une société libre, de façon décentralisée et sans qu’un état impose de manière agressive et monopolistique les bonnes mœurs officielles à suivre ? C’est là qu’interviennent les mécanismes de réputation et d’ostracisation. Nos actions ont des conséquences sur la façon dont les autres nous perçoivent. Ceux qui auront des comportements marginaux se retrouveront de plus en plus isolés et à la marge de la société. Par exemple, si on apprend qu’un homme dans le quartier a l’habitude de frapper son chien, les gens pourront décider de ne plus interagir avec lui, son boulanger et son épicier pourront décider de ne plus lui vendre quoique ce soit (refuser d’interagir avec quelqu’un ne constitue pas une agression physique), des associations de protection des animaux pourraient salir sa réputation auprès de son employeur, de l’entreprise qui lui fournit l’eau et l’électricité, etc. Dans une société libre et décentralisée règne une sorte d’hyper-cancel culture. Mais cette cancel culture n’aura rien à voir avec celle que nous subissons actuellement : ceux qui pilotent la cancel culture actuelle sont les agents parasitiques de la société, càd les politiciens, les intellectuels d’état, les journalistes, les assos subventionnées, les artistes subventionnés et les entreprises de connivence avec les pouvoirs publics. Aujourd’hui on peut essayer de boycotter telle entreprise ou tel groupe d’individus, cela ne marchera pas puisqu’on joue avec des dés pipés. A contrario, dans une société libérée de toute présence étatique/socialiste, ce sont les agents productifs de la société qui mènent la danse, càd les entrepreneurs, les inventeurs, les protecteurs, bref tous ceux qui se sont forgés une bonne réputation auprès de la population parce qu’ils rendent de réels services aux autres et produisent de la richesse*. Ceux que Hoppe appelle “l’élite naturelle” et qui ont été en quelque sorte “validés par la rue”. Ce mécanisme d’ostracisation décentralisée permettra alors de “remoraliser” les individus et de recréer des adultes responsables, capables d’assumer eux-mêmes les conséquences de leurs actes. En effet, puisque l’état n’existe pas dans un tel monde, la possibilité de judiciariser des pratiques qui ne nous plaisent pas n’existe pas non plus, le seul levier pour agir sur les mœurs sans passer par la coercition offerte par l’état sera l’ostracisation. Et il ne faut pas sous-estimer ce mécanisme à son plein potentiel : rares sont les hommes à pouvoir survivre en totale autarcie, c’est pour cela que la peur du rejet par le groupe est bien ancrée chez nous.

 

*Je tiens à rassurer le lecteur qui verrait dans cette forme d’hyper-cancel culture la possibilité pour certaines personnes d’abuser du mécanisme d’ostracisation en diffamant autrui de façon sournoise. Rappelez-vous de ce dicton libertarien : là où il y a une demande, une offre va se créer. Si un nombre toujours plus croissant de personnes se retrouvent diffamées sans possibilité de laver leur honneur, cela va intéresser certains acteurs économiques. On pourrait voir apparaître des associations, des entreprises ou des émissions télévisées (à la manière de l’émission Ca peut vous arriver de Julien Courbet où des anonymes sont invités pour parler de leur problème) dont l’objectif est de remettre la vérité sur le devant de la scène. L’impact qu’auraient ces structures de défense des diffamés serait plus conséquent dans des territoires décentralisés. Aujourd’hui on en voit peu apparaître sur le marché parce que le secteur est totalement géré par les tribunaux étatiques et leurs longues procédures qui ne sont même pas filmées. Imaginez simplement ce que donnerait une armée de Julien Courbet avec leur propre émission locale sur le marché pour régler ce genre d’affaires. De surcroît, il faut aussi prendre en compte que l’on vit à une époque où la préférence temporelle de la population (et donc le sens moral de la population) est grandement dégradée par la démocratie.

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