Aller sur Mars – III – Mosaïque ou Jacobins ?

Par , Le 17 juillet 2025 (Temps de lecture estimé : 5 min)

Et si la colonisation martienne rejouait nos débats terrestres : planification technocratique, capitalisme d’entrepreneurs et coopération volontaire ? Un récit de science-fiction aux allures de parabole libertarienne.aller sur mars iii

À ce stade de notre aventure martienne, Space X et peut-être une ou deux compagnies concurrentes ont posé le pied sur le sol de Mars, et chacune a créé un petit territoire en propre autour de sa base. Souvenez-vous, Elijah Baley et Han Solo ont négocié ensemble leur espace sur ce nouveau monde.

Pendant un temps, chacun se concentre sur son installation, sur l’importation des nombreux équipements qui lui permettront de gagner en autonomie ; puis bientôt de pouvoir aller explorer ses environs, à la recherche de nouvelles ressources. Et en effet, les premières expéditions se forment, déjà la fine poussière se soulève des roues, un voile ocre à peine porté par la maigre atmosphère…

Elijah Baley a choisi la formule robotisée, télécommandée. Ses machines vont explorer sous sa supervision, et elles creuseront elles-mêmes, sans besoin de personne. Avec lui, Mars prépare une Solaria. Toujours aventureux et à contretemps, Han Solo a choisi d’aller lui-même explorer et installer sa première mine. Ce n’est pas une simple affaire d’ingénierie, mais une affaire d’hommes.

La stratégie d’Elijah est pragmatique, efficace, utilitaire. Ses ressources les plus précieuses sont ses hommes ; il faut donc les économiser et les employer à construire sa base pour en faire le centre névralgique de la planète. Il sait bien que Han ne le laissera pas faire ; il sait aussi que D.D. Harriman est sorti de chez Robert Heinlein pour préparer lui aussi sa prochaine venue sur la Cousine Rouge. Face aux deux virtuoses, il parie sur la puissance rationnelle de la machine centralisée qu’il met en place.

Han Solo prend bien sûr le pari contraire. Il a lu Mises, il sait que sa chance face à Elijah consiste à réfléchir en termes d’échanges plutôt qu’en termes de ressources. Il a donc besoin d’entrepreneurs pour cela et c’est pour ça qu’il envoie tour à tour ses meilleurs hommes dans chacune de ses mines. Chacun a pour mission bien plus que l’exploitation d’un sol, d’un filon ou de robots. Chacun doit planter la graine d’un nouveau territoire qui fera commerce avec les autres. Y compris avec Elijah.

Bientôt, Han se rend chez Elijah pour lui faire une offre. Il a compris qu’Elijah ambitionne d’installer ses prochains robots dans un endroit éloigné et tortueux, où ils auront du mal à travailler et où la distance à sa base, Arès, fera du transport des matériaux un vrai défi. Han lui propose de le laisser s’y installer, avec la promesse de vendre à Elijah les métaux extraits à un prix attractif. Elijah hésite, car l’idée est nouvelle pour lui. Chez lui, le minerai n’a pas vraiment de prix, ce n’est pas un commerce.

Elijah voit bien le piège tendu par Han Solo. Si Han ose une telle offre, c’est qu’il est sûr que ses hommes seront plus performants que les robots d’Elijah dans cette mine. S’il refuse, il gaspillera des efforts et de l’énergie précieux dans un monde précaire. S’il accepte, il entre dans une partie de go. Han risque peu à peu de le cerner sur toute sa périphérie, et Elijah devra lui fournir en échange des ressources auxquelles Han n’a pas accès. Alors Elijah tempère, il tente de gagner du temps. Il se demande si ses robots ne pourraient pas lui permettre de monter un coup de force envers Han Solo.

Mais voilà que D.D. Harriman arrive sur Mars. D.D.H. n’est pas n’importe qui. Grâce à Heinlein, il a une belle expérience de la création de conditions vivables sur la Lune et il met tout de suite ses compétences en œuvre pour sa propre base. Ce sera sa vitrine. Il a rapidement compris qu’il pouvait commercer avec Han Solo et lui a très vite proposé un deal : Han lui fournira de précieuses ressources et en échange, D.D.H. apportera du confort – et donc de la productivité – à ses stations en les transformant une à une en mini bulles atmosphériques. La pression monte dans l’esprit d’Elijah.

Arrivés à ce point, notre récit peut prendre deux orientations opposées. Option « Jacobins » : Elijah tente le tout pour le tout, il organise une razzia dans les stations de Han Solo, ses robots, sacrifiés, saccagent tout ou presque et arrivent à prendre le contrôle de certaines mines. D.D.H. est menacé de subir la même violence et finit par se plier au nouvel ordre martien imposé par Elijah pour Space X.

Option « Mosaïque » : Elijah a bien tenté le coup de force, mais envoyer ses robots, c’était se rendre vulnérable et Han Solo et ses hommes l’ont pris à revers. Elijah a su ne pas aller trop loin et a su se rendre à l’évidence. Sur Mars, il n’a tout simplement pas les moyens de gaspiller ses maigres ressources à faire une guerre. Il n’a personne pour la financer. Au contraire, s’il veut espérer un jour prospérer assez pour convaincre la majorité d’alors qu’une démocratie sera le meilleur système social, il lui faut dans l’immédiat accepter de négocier une mosaïque de territoires avec Han et D.D.H.

À suivre…

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Stéphane GEYRES

Stéphane Geyres est autodidacte de la Liberté. Sur son chemin, il a écrit ou édité 5 livres - dont Liberté Manifeste - co-fondé le site Libéralie, les Editions John Galt et l'Institut Mises France.