The Expanse : Conquête, Pouvoir et Liberté dans le Système Solaire

Par , Le 6 novembre 2024 (Temps de lecture estimé : 7 min)

The Expanse est une saga de science-fiction où l’humanité colonise le système solaire, opposant Terre, Mars et la Ceinture dans des luttes de pouvoir intenses. Riche en réalisme et nuances éthiques, cette fresque explore autorité et liberté, plongeant le lecteur dans un univers captivant, même au-delà de son adaptation en série.
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The Expanse est une série de romans de science-fiction écrite par les deux auteurs Daniel Abraham et Ty Franck sous le nom de plume James S.A. Corey. Cette série se compose de 9 romans et d’un recueil de nouvelles et a été récompensée du Prix Hugo de la meilleure série littéraire en 2020. Les 6 premiers tomes de la saga ont été adaptés en série télévisée à succès, les 3 premières saisons sur Syfy, la suite sur Amazon Prime Video.

Dans l’univers de cette saga, l’humanité a su s’affranchir des limites du voyage spatial pour fonder des colonies un peu partout dans le système solaire. Différentes factions vont s’opposer : la Terre, Mars et la Ceinture. Cet univers de science-fiction est décrit de manière très réaliste, avec de nombreux détails sur la vie dans l’espace jusqu’au fonctionnement des moteurs, mais à ces éléments va s’ajouter une touche fantastique matérialisée par la protomolécule, conçue plusieurs milliards d’années plus tôt par une mystérieuse civilisation extra-terrestre dont on trouvera d’autres vestiges pendant la série. En particulier, la protomolécule donnera naissance à une porte menant à un système qui contient d’autres portes, permettant aux humains d’accéder à plus de 1300 autres systèmes. La position centrale du système des portes forcera les différentes factions en place à coopérer ou à s’affronter pour le contrôle des ressources.

La Terre et la Lune sont dirigées par le gouvernement des Nations Unies, dont plusieurs indices nous montrent la caractère fortement centralisé et socialiste. Ainsi, sous prétexte de surpopulation (estimée il est vrai à 30 milliards), la Terre impose un contrôle strict des naissances, ce qui se traduit par exemple par le montage particulier de la famille du personnage principal James Holden. Ce dernier est le fils unique de huit parents, cette union civile ayant permis à la famille d’acquérir un ranch dans le Montana. Les citoyens de la Terre ont droit à un revenu de base universel garanti, appelé le basique, qui leur permet de vivre sans travailler. Le revenu de base est décrit comme minimaliste, permettant tout juste de survivre, insuffisant pour s’inscrire à l’Université par exemple, et les emplois sont décrits comme extrêmement rares. Il existe également sur Terre toute une frange de la population qui n’est pas reconnue par l’administration, qui survit sans le basique dans une situation de grande pauvreté.

Sur Mars, c’est une dictature militaire qui gouverne sous le nom de République Martienne. La société est marquée par un sens de la discipline et du sacrifice tournés vers la terraformation de la planète et l’indépendance vis-à-vis de la Terre. En attendant que la vie sur Mars devienne viable à l’extérieur, les Martiens vivent confinés dans des villes souterraines dans lesquelles les ressources sont là-aussi rationnées pour éviter tout gaspillage. La découverte d’autres mondes habitables mettra à mal le rêve collectif de terraformation.

La Ceinture, face à ces deux planètes, se présente comme un archipel de liberté, disséminé dans de multiples stations spatiales, dans la ceinture d’astéroïdes et sur les lunes des géantes gazeuses. Les Ceinturiens vivent sans gouvernement central, bien que l’Association des Planètes Extérieures parvienne parfois à maintenir une certaine cohésion parmi les différentes factions aux objectifs et aux philosophies variées. L’environnement hostile dans lequel vivent les Ceinturiens favorise chez ce peuple une culture de l’entraide, de la débrouille et de la solidarité face aux planètes intérieures. La méfiance viscérale des Ceinturiens envers l’autorité, et leur goût pour les structures d’organisation décentralisées susciteront la sympathie des lecteurs préoccupés par les valeurs de liberté. Cependant certaines factions ceinturiennes tiendront des raisonnements peu respectueux des libertés des autres : elles craindront que la Terre et Mars n’aient plus besoin des ressources produites par la ceinture et leur refuseront pour cela l’accès aux autres systèmes, allant jusqu’à se livrer à des actes terroristes de grande ampleur.

La force des auteurs est de confronter les différents points de vue sans se poser en donneurs de leçons, laissant au lecteur le soin de parvenir à ses propres conclusions. Par exemple, lors de la colonisation de la planète Ilus, les gouvernements de la Terre et de Mars accordent les droits d’exploitation de la nouvelle planète à la société Royal Charter Energy (RCE) et considèrent cette corporation comme la seule entité pouvant légitimement occuper la planète. Une colonie d’origine ceinturienne, première arrivée et installée sur la planète, refusera l’attitude de la RCE perçue comme de l’impérialisme. Chacun des deux camps se sentira légitime à utiliser la violence contre l’autre en suivant sa logique propre. Il ne s’agira pas tant pour les auteurs de proposer une lecture manichéenne des événements en tranchant le conflit de manière juste (et évidente pour qui a des notions de droit naturel) que d’explorer les motivations des personnes, chacune étant persuadée d’agir pour la bonne cause. Des erreurs seront commises dans les deux camps.

L’horizon des auteurs reste malheureusement parfois plafonné par une mentalité étatiste. Ainsi, à la fin du tome 6, Holden va utiliser sa réputation pour promouvoir une organisation de gestion commune, dans laquelle les Ceinturiens superviseront la circulation des personnes et des marchandises via une organisation appelée l’Union des Transports de manière à éviter aux planètes Terre et Mars d’avoir à le faire. N’aurait-on pas pu imaginer laisser les gens décider seuls de travailler ou non dans le transport spatial, en fonction de leurs inclinations ?

Quoiqu’il en soit, c’est encore une fois la force de cette saga de ne pas être manichéenne. L’Union des Transports montrera à son tour des pulsions autoritaires, notamment contre la planète Freehold, peuplée de libertariens hostiles à toute forme de taxation ou d’ingérence envers le commerce. Le lecteur libertarien se réjouira souvent de reconnaître certains de ses principes moraux, tels que la méfiance envers les autorités ou la volonté d’indépendance magnifiquement incarnés par certains personnages. La soif de justice et de liberté est en effet un moteur important de la saga, qui guide l’humanité hors du système solaire pour fonder d’autres colonies.

Faut-il lire les romans si on a vu et apprécié la série ? Je pense que oui. D’abord, les enjeux stratégiques de chacune des nombreuses batailles spatiales sont très bien décrits dans les romans, là où la série peut difficilement entrer dans le détail. C’est également recommandé si on veut comprendre la psychologie des nombreux personnages parfois très attachants et souvent empêtrés dans leurs dilemmes éthiques, dont le héros principal mis en avant dans la série James Holden, avec sa naïveté qui le conduit parfois à des pulsions suicidaires, est très loin d’être le plus intéressant. Et surtout, les trois derniers volumes, dont l’action se déroule 30 ans après le tome 6, n’ont pas été adaptés en série. Or il s’agit d’un arc passionnant dans lequel un Empereur fou, armé de ses connaissances sur la protomolécule, va prendre le contrôle sur l’ensemble des systèmes humains et établir une dictature, avec laquelle certains choisiront de coopérer, et contre laquelle d’autres choisiront de lutter, avec en arrière-plan de mystérieux mécanismes de dimensions planétaires érigés par l’ancienne civilisation extra-terrestre qui menacent de se réveiller.

The Expanse est une longue saga épique dans laquelle vous aimerez vous immerger.

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