Mains baladeuses et trêve hivernale : l’abbé Pierre ou le viol dans tous ses états

Par , Le 25 octobre 2024 (Temps de lecture estimé : 8 min)

Lutter contre la « culture du viol » ne se limite pas aux corps : la trêve hivernale, institutionnalisée en 1956, en est un exemple flagrant. En s’attaquant à la propriété privée, cet acquis de l’abbé Pierre perpétue un viol du Droit Naturel ignoré des collectivistes.

abbe pierre

Scandale chez les chrétiens de gauche et autres braves couillons : l’une de leurs figures tutélaires, Henri Grouès dit « l’abbé Pierre », serait un pêcheur récidiviste qui pendant de nombreuses années n’a, semble t-il, pas aspergé uniquement d’eau bénite les femmes qu’il recevait en entrevue particulière… Nous n’entrerons pas dans les détails sordides de ces allégations d’abus et agressions sexuels sur lesquels la magistrature aura à statuer. En revanche, nous aimerions mettre en lumière le caractère « total » du viol, trop souvent oublié par les bonnes âmes promptes aux indignations sélectives. Car oui, l’abbé Pierre aurait été ce que l’on peut appeler un « violeur total », faisant fi de la propriété privée des corps comme de celle des biens.

Si le viol à caractère sexuel se définit par l’atteinte commise par un ou plusieurs individus quant à l’intégrité de la propriété qu’un autre individu a sur son corps, l’atteinte commise par un ou plusieurs individus à la propriété du bien d’autrui peut, en définitive, être également considérée comme un viol. Or, s’il est bien un viol systémique, encouragé par une culture du viol institutionnelle à laquelle l’abbé Pierre a largement contribué, c’est celui qui porte le nom de « trêve hivernale », et qui va bientôt s’abattre sur la France comme chaque année à la Toussaint.

Pour aller vite, la prétendue « trêve hivernale »1 signifie qu’en dépit des poursuites engagées par un propriétaire, un locataire ne respectant pas les termes de son contrat ne pourra faire l’objet d’une expulsion du logement qu’il occupe entre le 1er novembre et le 31 mars, quand bien même ce locataire manquerait au contrat signé librement entre lui et son propriétaire, par lequel le premier s’engage à verser à date convenue loyer et charges au second, en échange desquels il lui est permis d’occuper le logement fourni par le second dans le respect des règles fixées par lui (autorisation ou interdiction des animaux de compagnie, autorisation ou interdiction de fumer, entretien des bouches d’aération, maintien des murs et sols en leur état au moment de la signature du bail, etc…) ainsi que des règles de bons voisinages (relatives aux animaux, ordures, bruits, odeurs,…). On pourrait croire que l’origine de cette loi anti-économique car liberticide, qui légalise le viol des propriétés immobilières pendant cinq mois, résiderait dans les lubies socialistes des années Mitterrand ou des années Jospin. On se tromperait en le faisant, car cette loi remonte aux années 1950, et a pour principal inspirateur personne d’autre que… l’abbé Pierre-vers pépère ! En effet, ce curé aujourd’hui décrié pour avoir utilisé son goupillon sur des dames pas vraiment consentantes, était autrefois encensé pour avoir encouragé le législateur à donner un blanc-seing aux mauvais payeurs caractérisés et aux squatteurs patentés pour passer l’hiver au chaud, au détriment du propriétaire qui, dans le meilleur des cas se retrouve seulement privé de ses revenus locatifs – mais toujours assujetti à la taxe foncière et à l’impôt sur le revenu de l’année N-1, et dans le pire des cas, après une procédure  d’expulsion longue et coûteuse, pourra avoir à engager des frais de remise en l’état du logement 2 . Moins à l’aide de rhétorique que d’images chocs, s’adressant davantage à l’émotionnel qu’au rationnel, l’abbé Pierre, lors de l’hiver 1954, s’est saisi d’un fait divers certes tragique pour construire sa notoriété et faire avancer son agenda. Montant en épingle l’histoire d’une femme apparemment expulsée de son logement et retrouvée morte d’hypothermie dans une rue de Paris, l’abbé Pierre lança son fameux appel radiophonique sur Radio Luxembourg, repris ensuite par la RTF. 

Que l’on se comprenne bien : cet appel à la générosité privée, à la charité la plus élémentaire pour tout chrétien, et de manière générale pour tout humain, n’a rien de choquant, bien au contraire. Faire appel aux dons de couvertures ou d’aliments de première nécessité pour palier au mieux des situations d’urgence et empêcher des drames humains qui se jouent en plein hiver, cela mérite bien-sûr l’approbation et la reconnaissance. Ce qui choque dans l’œuvre de l’abbé Pierre, ce n’est pas d’avoir construit le réseau d’aide Emmaüs ni la fondation charitable qui porte son nom 3 . Ce que nous lui reprochons, c’est d’avoir, par son verbe, rendu moralement condamnable et de manière durable, aux yeux de l’opinion commune, l’acte d’expulsion d’un locataire ne remplissant pas ses obligations contractuelles 4 . C’est également d’avoir mené campagne auprès de cette opinion publique et utilisé son réseau d’influence institutionnel5 pour faire adopter la loi du 3 décembre 1956 instaurant le diktat hivernal qui pèse sur les propriétaires de logements 6 . Fait intéressant : le site officiel du Ministère du Logement et de la Rénovation urbaine, dans un encart figurant au bas de la page intitulée « Prévention des expulsions et trêve hivernale », rend hommage à l’abbé Pierre – pour combien de temps ? – en ces termes : « La trêve hivernale des expulsions, instituée par la loi du 3 décembre 1956, est un acquis du combat de l’Abbé Pierre et un des fruits de son célèbre Appel du 1er février 1954. » 7. Le viol de la libre propriété des logements serait donc, d’après l’Etat français, un acquis. Les propriétaires apprécieront… 

Ainsi, l’exemple de l’abbé Pierre est édifiant : le viol des corps et le viol des biens procède de la même pulsion, qui revient à attaquer, à s’accaparer la propriété qu’a autrui sur lui-même ou sur ses biens. Lutter contre la « culture du viol » est légitime et nécessaire, mais encore faudrait-il lutter contre la culture encourageant TOUS les viols. Ce n’est hélas pas ce que fait le Ministère du Logement en célébrant la loi de 1956 comme un « acquis ». Nous espérons, sans trop y croire toutefois, que la polémique et l’indignation actuelles dont fait l’objet la figure de l’abbé Pierre, aideront à faire prendre conscience des différentes dimensions du viol, qui ne se restreint pas à la seule atteinte aux corps mais à la propriété en général, devant donc être considéré comme un phénomène « total », et par conséquent, comme la racine du totalitarisme lorsqu’il est institutionnel, comme c’est actuellement le cas en France.

1 Prétendue, car non négociée entre les parties concernées, mais en fait imposée par la loi. Dans sa définition du mot « trêve », le Dictionnaire de l’Académie française mentionne en effet la cessation des hostilités entre belligérants comme résultant d’une concertation entre eux. Il on viendrait donc, si l’on a le souci de nommer les choses par un nom approprié, de parler de « diktat hivernal ».

2 Les mauvais payeurs et les squatteurs n’ont parfois pas les moyens, outre de payer leur loyer, de régler leurs factures d’électricité et de chauffage, ce qui, après coupure par le distributeur, peut selon les régions abîmer considérablement un logement en hiver à cause de l’humidité. Certains peuvent aussi, se sachant l’objet d’une procédure d’expulsion, vouloir dégrader intentionnellement un logement. Nous renvoyons à l’article suivant, qui n’est qu’un triste exemple parmi d’autres :leFigaro

3 Nuançons toutefois notre propos : entre autres activités, la Fondation Abbé Pierre s’illustre dans le lobbying auprès des pouvoirs publics pour contraindre et limiter au maximum les procédures d’expulsion, ou pour mettre en place des usines à gaz publiques visant à indemniser les propriétaires lésés par des mauvais payeurs dans l’attente que ces derniers trouvent une solution d’hébergement. Indemnisations payées, il va sans dire, avec l’argent public, issu en partie des impôts ponctionnés sur les revenus desdits propriétaires… Source : Liberation

4 Nous reproduisons ici la première phrase, vectrice d’une image forte jouant sur la corde sensible de celui qui la reçoit, de son appel radiophonique du 1er février 1954 : « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l'avait expulsée… » Source : Fondation Abbé Pierre

5 Rappelons qu’en plus de ses responsabilités ecclésiastiques, l’abbé Pierre a été député démocrate-chrétien, puis de gauche indépendante (à tendance socialiste), de Meurthe-et-Moselle de 1945 à 1951 : Assemblée Nationale 

6 La loi, défendue par les socialistes et les communistes, prévoyait initialement une interdiction d’expulsion entre le 15 décembre et le 15 mars. Cette loi a connu deux modifications : la première le 31 mars 1990, qui fait démarrer la trêve hivernale au 1er novembre ; la seconde le 31 mars 2013, qui fait se terminer la trêve hivernale au 31 mars.

7 Source : Ecologie.gouv (consultée le 26.09.2024)

 

Cet article t'a plu ? Partage-le !