En posant la sécession comme ultime recours face à l’impasse démocratique, cet article ouvre le débat sur les chemins de la liberté et de l’autodétermination.
Depuis 235 ans, on nous présente la démocratie comme le bras libérateur de l’Humanité, celui qui a renvoyé les monarques oppresseurs à l’échafaud. Pour le coup, la thèse ainsi… échafaudée est si bien ancrée dans les esprits que fort rares sont ceux qui voient la démocratie pour ce qu’elle est : un piège. Le Navire, dans la nouvelle « Les Orphelins du Ciel » de Robert Heinlein, traverse l’espace, avec à son bord des hommes qui ont oublié leur Histoire, qui prennent leur vaisseau pour l’Univers. Aucun n’imagine que la Vie est à l’extérieur. Puis un jour, une poignée s’en échappe et se pose sur un sol. La démocratie est un piège comme l’est Le Navire. La Liberté est venue à ceux ayant pensé la sécession.
Beaucoup nous expliquent qu’il y a là une utopie, qu’on ne peut pas sortir du navire, car il n’y a rien dehors. Qu’il faut donc remettre de l’ordre dans l’équipage, dans le navire, lui rendre sa mission oubliée. Celle qui était précisément d’assurer notre protection et par là notre Liberté. Les réductionnistes, avec à leur tête désormais le président Javier Milei, ont l’ambition de dégraisser le Mammouth, d’affronter le Léviathan, de lancer un plan sur 35 ans pour revenir à la vraie démocratie.
Mais, même à supposer que les soubresauts électoraux laissent au Lion Javier Milei l’occasion d’aller au bout de 35 ans de réformes, le Navire démocratique n’en aura pas changé de nature pour autant. Le destin de ses passagers restera scellé à celui de son capitaine, à un dedans et un dehors, à « eux » par rapport à « moi » ou « nous ». Pointant sur Ultima du Centaure, il n’offre aucun choix alternatif.
Pourtant, de plus en plus nombreux sont ceux qui le comprennent. L’inertie démocratique inflexible ne se contente pas de nous garder enfermés, elle s’accompagne, elle attire à elle toutes les formes de déclin, de dégénérescence, de décivilisation. L’équipe de RE:POSSESSION ne s’y est pas trompée. Ils ont su voir qu’outre leur Liberté, la Liberté, il s’agit pour eux et leurs enfants de reprendre en mains une culture qui fasse leur fierté, leur spécificité, leur signature et qui soit capable de porter la Liberté.
Dans le Navire, l’oubli de la mission pousse à l’oubli de l’espace et de ses radiations. Les mutants et les déformés pullulent qui deviennent une force parasite. On reconnaîtra le parallèle avec l’actualité. Mais arrive Hugh Hoyland, un curieux qui pose toutes les questions du monde. Hugh arrive à penser hors de la boîte, hors du Navire. Il envisage d’abord de réveiller tout le monde à la réalité. Mais les intérêts en place lui opposent une résistance qu’il n’avait pas imaginée. Alors il ose, il s’échappe.
Lors de son intronisation, Javier Milei avait l’occasion de suivre l’exemple du Liechtenstein : mettre son poste en jeu pour exiger du Parlement la légalisation de l’autodétermination des Communes. La sécession des Communes rendue légale parce que légitime. Il ne l’a pas fait, peu importe pourquoi. S’il s’est engagé dans une guerre culturelle, certes de bon aloi et pertinente, il s’est aussi condamné à devoir lutter demain contre la multiplication des revendications de sécession qui verront le jour.
Alors que faire ? La sécession est sans doute un concept séduisant, mais dont la mise en pratique peut sembler fort aléatoire et abstraite à ce jour. Les livres et les articles sur le sujet fleurissent, une preuve que l’idée est la bonne et fait son chemin. Il me semble qu’elle est désormais inéluctable, ce qui ne veut pas dire que le chemin soit déjà tout tracé. Un tel chemin, d’ailleurs, sera celui de chacun.
Mais une chose me semble claire, une ou deux étapes concrètes et à notre portée se dessinent. La première est dans le faire savoir, dans le réveil. Non pas dans le réveil démocratique, mais dans le réveil anti-démocratique. La sécession se fait en premier lieu dans les têtes. Elle consiste à se libérer de l’emprise intellectuelle du Léviathan. À se rendre compte de notre situation d’esclaves dorés.
Mais une société libre, de Liberté, suppose un nombre suffisant d’Hommes libres. Ils vivent par les échanges libres qu’ils développent les uns avec les autres, de proche en proche, au fur et à mesure que plus d’Hommes se libèrent, passant de l’autre côté. La sécession débute par les échanges libres.
La Re-Possession de nos vies passe donc par ces deux premières priorités, auxquelles je m’attache à contribuer chaque jour. Faire connaître, comprendre et adopter les idées libertariennes, car elles sont les idées de la pleine Liberté qui seule pourra porter la foule des sociétés et des cultures de demain. Et ce faisant, restreindre peu à peu ses interactions avec les non-Hommes, développer et s’enrichir des interactions avec les Hommes libres, s’enrichir à faire grossir le nombre des Libres.
Stéphane Geyres