Bernard Arnault – Le méchant Capitaliste

Par , Le 30 janvier 2025 (Temps de lecture estimé : 5 min)

On le taxerait volontiers de “méchant capitaliste”. Pourtant, dans les coulisses des discours véhéments et des jeux d’influence, certains soutiens discrets brouillent les cartes. L’ascension fulgurante de ce personnage honni n’aurait sans doute pas été la même sans l’intervention d’un acteur aussi inattendu que puissant.

bernard arnault

 

Lorsque la parole est donnée aux socialistes, ils aiment rappeler à quel point le capitalisme permet l’amassement de sommes colossales d’argent aux mains d’une poignée d’individus. D’après eux, c’est une forme d’injustice car nul homme ordinaire ne peut acquérir une telle somme d’argent par la seule force de son travail. Cet argent accumulé est dans leur philosophie une injustice car il représente le vol des honnêtes travailleurs au profit des capitalistes orgueilleux. Quid des risques d’investissement du capital ? Pour les gauchistes, peu importe. L’argent, s’il n’est pas donné par l’État, doit être obtenu par le travail. Mais ils pensent probablement à un travail dans le sens de l’étymologie du mot, venant du latin tripalium, ancien instrument de torture. Un travail qui se veut pénible en somme, que l’État -et seulement l’État-, dans sa grande bienveillance, permet qu’il ne le soit pas trop. D’ailleurs, c’est un sentiment bien français de se sentir dans l’obligation de se justifier d’avoir beaucoup travaillé dans sa vie, lorsque l’on profite de son argent.

Les travaillistes pensent que celui qui ne souffre pas au travail, qui a suffisamment d’argent par lui-même, qui n’en fait pas profiter le corps social tout entier et qui, pire,fait fructifier cet argent, est un rapiat de la pire des espèces et l’argent gagné un vol.

Ce vol est une injustice sociale que seul l’État peut réparer. Selon eux, l’État doit intervenir afin de rétablir la justice sociale.

Pour illustrer leur propos, ils prennent souvent l’exemple démesuré de Bernard Arnault, dont la réputation n’est plus à faire. Le patron de LVMH est le français le plus riche du monde avec une fortune estimée à 185 milliards de dollars. Les socialistes estiment que le milliardaire devrait payer plus d’impôt et que pour ce faire, l’État devrait augmenter davantage le pourcentage d’imposition des plus riches. En prenant l’exemple de Bernard Arnault, ils aiment dire à quel point le capitalisme est néfaste pour l’Homme et que dans une société parfaite, aucun Homme de sa vie, ne pourrait engendrer et monopoliser autant de richesse que lui.

Pourtant ce discours montre que les socialistes sont en pleine dissonance cognitive. D’une part, la France n’a jamais été un pays capitaliste. La République française s’est toujours voulue être un Etat-Providence. D’autre part, ce sont probablement les ingérences de l’État français dans l’économie qui ont permis à Bernard Arnault de faire décoller sa carrière.

En effet, en 1984, Laurent Fabius, alors Premier ministre de François Mitterrand, veut sauver le groupe Boussac et veut surtout sauver les milliers d’employés de ce groupe. L’industriel du textile est en grande difficulté financière et survit depuis 1982 grâce aux perfusions d’aides de l’État (on compte près d’un milliard de francs d’aides versées sous des formes diverses entre 1982 et 1985).

Bernard Arnault, ce méchant capitaliste est désigné favori par l’État pour reprendre et sauver ce groupe, à la condition de disposer et d’y investir 400 millions de francs. Il n’en dispose pas, sa richesse familiale n’étant estimée qu’à la modique somme de 90 millions de francs. Pour réunir les fonds nécessaires, il s’associe avec des banques privées et des entreprises publiques (dont Total) qui investissent plus de 3/4 de la somme. Dans les accords passés avec l’État, Bernard Arnault s’est engagé à maintenir près de 12 000 emplois sur les 16 000 existants et à conserver l’ensemble des entités du groupe. Pourtant, à peine président du groupe, il le restructure rapidement et revend les divisions qu’il considère non stratégiques, réduisant les effectifs de Boussac à 8 000 employés quelques années plus tard. Grâce à un investissement personnel relativement modeste et le soutien financier de l’État, d’entreprises publiques, et privées, Bernard Arnault parvient à contrôler un groupe valorisé à huit milliards de francs en 1987. L’argent public lui ouvre la voie à son ascension dans le monde du luxe et au rachat ultérieur de LVMH.

Je n’ai pour ma part aucun avis sur Bernard Arnault, je ne le trouve pas forcément intéressant. Il faut cependant reconnaître qu’il est quand même assez malin. Il a su profiter de l’argent des Français volé par l’État pour donner un joli coup de pouce à sa carrière, bien qu’il ne reconnaîtra sans doute jamais l’avantage non négligeable qui lui a été accordé. D’ailleurs, en 1987, la Commission européenne estime que les aides perçues ont faussé la concurrence. Elle exige à Bernard Arnault de rembourser à minima 338,56 millions de francs, mais il refuse.

Cet exemple montre à quel point le discours des socialistes de gauche et de droite est dissonant. Aujourd’hui, si les inégalités de richesses sont si grandes en France c’est en grande partie à cause de l’État. Qui dans, sa volonté folle de tout réguler, pipe les dés et altère les règles du jeu. Et lorsque, confronté aux conséquences de ces actes, cet État se persuade qu’elles sont dues à un capitalisme effréné, qu’il faut, quoi qu’il en coûte, contrôler. Une chose est sûre c’est que, paradoxalement, l’État, ainsi que les politiciens et fonctionnaires qui le composent, se veulent responsables de tout, mais se sentent responsables de rien.

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