Avec les derniers succès d’Elon Musk, qui vient de réussir la première sortie dans l’espace d’un équipage entièrement privé et amateur, il m’a semblé qu’aborder la Grande Ambition de l’Humanité, celle de dépasser sa Terre natale pour aller conquérir la Lune et surtout la lointaine Mars, pouvait mériter de s’y attarder et jeter quelques bases de réflexion modeste mais néanmoins libertarienne.
Afin de lancer cette série, je me devais de faire référence et d’accorder un salut à Elon Musk, sans lequel sans doute, Mars serait encore longtemps restée dans les rêves des auteurs de science-fiction et autres Jeu de Pistes. Elon Musk a en particulier accordé une longue interview à Lex Fridman où il évoque le projet d’aller sur Mars, bien sûr, mais aussi, lors d’un court passage, où il pose quelques réflexions sur ce que pourrait ou devrait être le régime politique sur la Planète Promise.
Durant cette interview, Elon Musk et son hôte ne consacrent que 7 minutes à la question de la forme de régime qu’il est envisageable et souhaitable d’avoir sur la Planète Rouge, 7 petites minutes sur 152 minutes d’entretien. Je trouve cela très significatif et quelque peu inquiétant, et je dois dire que cela a contribué à me convaincre de me lancer dans cette série. Pourquoi ? Parce que cette question est bien plus importante que ce grand entrepreneur semble le voir : s’il veut un jour m’avoir comme client qui envisagerait de partir si loin, il faut que j’aie la forte conviction que j’y serai libre. Comme les pionniers qui quittèrent l’Europe pour aller s’installer en Amériques, l’espoir de Liberté est clef. À moins d’être en mission commandée, à moins d’être banni de la Terre, pour partir si loin il faut être sûr que la Petite Rouge sera plus hospitalière et donc plus libre que la Vieille Terre et sa démocratie.
Lors de ces 7 minutes, Elon Musk se monte peu à l’aise, embarrassé, peu fluide. On sent bien que ce n’est pas son sujet, son domaine. Poussé par Lex, il arrive finalement à donner comme perspective la démocratie directe, puis se lance dans une thèse – non sans intérêt – sur la trop longue durée de vie des lois, sur le besoin d’annuler ou d’abroger les lois inutiles ou dépassées. Ok Elon, mais avant de te préoccuper du besoin de défaire les lois, il vaudrait mieux te poser la question du pourquoi des lois, quelles lois, qui doit les décider et comment et surtout du quand décider : avant ou après le départ ?
De plus, il dit à un moment que, dans une telle démocratie directe, ce sera un bon système car les gens pourront choisir, pourront voter sur place, directement. Et pour conclure cet épisode qu’on sent désagréable de l’interview, il rappelle et insiste que pour le moment, ce ne sont pas ces questions qui importent, car pour aller sur Mars, il faut commencer par se préoccuper de construire et de produire les vaisseaux spatiaux qui rendront la chose possible. En deux mots, « on s’en fout pour le moment ».
Je ne suis pas du tout d’accord. Non, la démocratie directe ne peut pas convenir à ton projet, Elon. Et je suis surpris que l’entrepreneur que tu es ne sache le voir. Car l’entrepreneur ne peut que souhaiter avoir des clients, et ces clients voudront négocier un contrat avec toi – ou tes concurrents – avant de monter dans tes fusées, avec des clauses concernant le vol, bien sûr, mais aussi l’hébergement et les conditions de vie une fois sur place. Comme lorsqu’on monte à bord d’un navire pour une croisière.
Cette idée est, je crois importante, et j’avais déjà écrit sur un scénario similaire, en contestation du minarchisme, (à lire ici) pour conclure de même que la question du régime politique se discute bien avant de monter à bord d’un vaisseau spatial – sauf pour les bagnards qui, comme pour l’Australie, furent envoyés de force loin de la démocratie. Ce sera l’occasion au cours de la série de textes à suivre de revenir sur les facettes de cette question.
Mais pour conclure, je crois qu’il convient de se demander pourquoi Mr. SpaceX affiche ce refus et cette gêne à parler du régime sur Mars. Il faut se souvenir qu’il obtient ses capitaux et ses contrats pour large part de la NASA, c’est-à-dire de l’état étatsunien. On voit mal cette organisation financer un anarchiste visant à établir une autoroute de l’espace entre son bagne terrestre et un paradis hors de son emprise sur Mars. Pas question de se libérer de l’emprise de l’Empire. Alors forcément, Elon Musk ne peut être que mal à l’aise devant une caméra quand il s’agit de parler du régime politique qu’il entrevoit pour la future Marnarchie. Dommage que la technologie prime pour lui. À moins que…
À suivre…